L’île nue de Kaneto Shindo est l’un des mes films préférés du Japon ! Pourtant, le réalisateur n’est pas à sa première œuvre et d’autres sont d’ailleurs mieux appréciés des amateurs de cinéma. Mais c’est ainsi, L’île nue me parle et m’emporte. Pour vous convaincre, voici ma critique du film L’île nue !
Scénario de L’île nue
Un couple de paysans vit sur un bout de rocher hostile au large de la côte japonaise, et cultive ses terres infertiles en transportant dos nu des seaux d’eau provenant de l’autre rive. Le temps passe lentement jusqu’au jour où l’un de leurs 2 fils succombe à la maladie…
Critique de L’île nue
Entre, Les Enfants d’Hiroshima en 1952 et Mother en 1963, Kaneto Shindo, un cinéaste très peu connu en Occident, réalise l’un de ses grands films, L’île Nue, avant de réaliser le film qui lui a permis d’étendre sa reconnaissance sur le plan mondial, grâce à Onibaba.
Wild Side Vidéo nous offre donc une réédition de ce film en DVD, de cet ancien assistant de Kenji Mizoguchi, sur des films comme Les 47 Ronins, Flamme de mon Amour ou encore Pour l’amour de l’actrice Sumako, qui a également co-écrit pour les plus grands comme Mikio Naruse ou Yasuzo Masumura.
Une œuvre anti-commerciale
Kaneto Shindo réalise ici une œuvre anti-commerciale avec un budget ridicule de trois millions de yens, sur le scénario d’un couple de paysans et de leurs deux enfants, de leur vie sur une île aride, en somme un script qui tient sur quelques pages.
Kaneto Shindo va alors filmer l’île de l’archipel de Setonakai, en débutant par un panoramique du relief côtier de l’île, avec au loin les minuscules silhouettes d’un paysan (Taiji Tonoyama) et de sa femme (Nobuko Otowa) actrice principale de la grande majorité de ses films, un peu à l’image de Tanaka Kinuyo pour Mizoguchi, qui navigue sur une modeste barque de bois.
La vie, tout simplement
Le ton est tout de suite donné, Shindo Kaneto ne fera pas de fioritures, il va simplement filmer la vie de ces personnes, cette existence simple, mais tellement riche de sentiments. Entre le chargement des seaux remplis d’eaux et le déchargement de ces derniers, entre la préparation du repas par les jeunes enfants pour le retour de leurs parents et les cours de l’école sur la terre ferme, Shindo filme ce rituel existentiel de cette vie familiale qui se déroule dans le silence complet, rythmé par les vagues et le vent.
Tableau contemplatif
Certes, L’île Nue est un tableau contemplatif qui se présente comme une véritable curiosité cinématographique. En effet, le réalisateur cherchera tout au long de son œuvre, à développer une histoire sans aucun dialogue, en s’inspirant des techniques du film muet en se concentrant sur la photographie, le cadrage et le montage, et en palliant l’absence de dialogues, par le bruit ambiant, la nature, et surtout cette magnifique bande-son d’Hikaru Hayashi, une composition originale, rythmant efficacement les subtiles variations des émotions humaines.
Une photographie soignée
L’île Nue marque surtout par sa forme, par sa photographie soignée à l’extrême, tout comme son film Onibaba qu’il réalisera quelques années plus tard. Un choix de noir et blanc très contrasté qui renforce cette beauté visuelle à chaque plan. Kaneto Shindo ne manque pas de piocher du côté du néoréalisme par un point de vue quasi-documentaire.
Une interprétation magistrale
Du côté des acteurs, c’est du grand jeu, entre Tonoyama qui incarne à merveille la souffrance et la redondance de ses gestes et Nobuko Otawa, qui suit le pas, mais sera rattrapé par ses sentiments. La grande force du film, c’est le grand talent du réalisateur, qui parvient à rendre cette histoire élémentaire, passionnante et envoûtante à sa mise en scène incroyable. L’île Nue est une beauté formelle, mais selon moi n’égale pas son film Onibaba, d’un genre différent à la beauté formelle également de qualité.
Shindo cherche une manière esthétique de faire transparaître une critique de la modernité et une apologie des traditions, de la famille et de la fatalité des situations.
Une pépite du cinéma japonais
En conclusion, L’île nue marquera le spectateur par sa beauté formelle soignée et l’absence de dialogue qui en rebutera plus d’un. Le final est riche en sentiments, en humanité, en réalisme primaire en évitant le sentimentalisme chagriné. Bien évidemment, on préférera un film comme Onibaba, un film plus accessible, à la photographie proche de L’île Nue, même si ce dernier donne un savant mélange de visuels poétiques universels.
Informations sur L’ile nue
Titre anglais : Naked Island | Titre original : Hadaka no shima | 1961 | Japon | 94 mins | Un film de Kaneto Shindo | Avec Tonoyama Taiji, Horimoto Masanori, Otowa Nobuko et Tanaka Shinji | Compositeur : Kayashi Kikaru | Scénariste : Shindo Kaneto










J’ai vu L’île nue au cinéma l’année dernière dans le cadre d’un thème sur le Japon et ce film m’a vraiment marquée, déjà parce qu’il n’y avait aucun dialogue, ensuite par la beauté des paysages, la musique toujours très présente (+le bruit des vagues) et le scénario…c’est mince mais ça tient sur env. 1h30 et je ne me suis jamais ennuyée.
On voit le quotidien de ce couple qui essaient de cultiver une terre difficile vu qu’ils doivent aller chercher l’eau hors de l’île et faire des aller-retour très épuisants.
Mais le rythme est un peu « cassé » lorsque le couple et leurs enfants vont faire un tour en ville et qu’un de leur enfant tombe malade…difficile de ne pas être émue par cette scène.
(Dans la salle de ciné tout le monde a fait un petit sursaut quand la femme a renversé le seau d’eau (si précieux) et a reçu une gifle…mais après ils reprennent leur travail…)
Pour l’instant c’est le seule film de Shindo Kaneto que j’ai vu.
Ça me fait plaisir de lire cela car L’ile Nue m’a également transporté avec son sublime noir et blanc et son absence de paroles, juste les sons du quotidien qui se répètent.
Effectivement, on ne s’ennuie pas, c’est magique et inoubliable ce film.Si je peux te conseiller un autre film de Kaneto Shindo, ca serait Onibaba avec sa plastique hors du commun ou bien encore Children of Hiroshima, également très émouvant.Sachant que le premier est en critique ici et que Children of Hiroshima le sera dans quelques jours je pense.En tout cas, je suis ravi de voir que ce genre de film soit apprécié à sa juste valeur.Il me rappelle les films muets avec leurs puissances visuelles, notamment dans la période muette d’Ozu, le genre de film qui vous frappe.
Ah oui Onibaba, j’en ai entendu parlé et j’ai vu qu’il était sorti en dvd. Pour Children of Hiroshima, j’ai prévu de le voir.
En ce qui concerne les films muets japonais, j’en ai vu un mais je ne m’en rappelle plus du tout :-( (le geste inexpliqué de Sumiko). J’ai prévu de voir Children of Tokyo.
Merci pour les conseils, j’aime bien les vieux films mais les vieux films asiatiques j’en ai vu trop peu alors dès que je peux en voir un je n’hésite pas…
Tout à fait, Onibaba est disponible chez Wild Side Vidéo pour une dizaine d’euro, ce qui vaut vraiment le coup compte tenu de la qualité de l’image du film dans son édition pocket. Gosses de Tokyo est un bon choix effectivement, de toute façon chez Ozu, il y’a que des bons films, rares sont ceux étant moyen.Question vieux films asiatiques, c’est pas évident d’en trouver à part sur Arte ou encore à l’Utopia (cinéma quelque peu indépendant), le reste c’est du DVD, notamment chez Wild Side Vidéo ou encore Carlotta.
Bonjour,
Je cherchais une affiche de ce film mythique et je tombe ici…
Pour parler un peu de ce film, oui, vraiment c’est un chef d’oeuvre du cinéma. J’avais vu ce film à sa sortie (ou l’année suivante) mais il m’avait impressionné au point que aujourd’hui encore (50 ans après) j’ai encore cette musique lancinante et le bruit des vagues dans la tête tellement cela m’a marqué.
L’histoire, la poésie, le drame de cette famille travaillant sans un mot et sans relâche à leur plantation… C’est MAGNIFIQUE !
Le plus beau film que je n’ai jamais vu de ma vie…et j’en ai vu à 62 ans !
DonRemi
Bonjour DonRemi,
Je suis honoré de votre commentaire. Ce n’est pas tous les jours que j’en reçoit d’une personne à l’âge respectable. Il est vrai que ce film est magnifique. Et je pense que ce film restera effectivement longuement dans ma mémoire. Je ne sais pas si dans 50 ans, je m’en rappellerai autant, mais il est vrai que même dans 20 ans, je m’en souviendra encore. En tout cas, je suis ravi de voir que la passion du cinéma est capable de rester intact chez une personne à cet âge. C’est un beau témoignage.
Un film exceptionnel. Le premier film que j’ai vu en ciné-club à l’adolescence c’était L’Île nue…
Je l’ai revu à la Cinémathèque québécoise à Montréal trente ans plus tard. Je ne m’y attendais pas, en ayant oublié le titre et le réalisateur. Simplement, j’allais voir les quelques films japonais qui y passait, peu nombreux malgré une excellente programmation par ailleurs.
Dès les premiers instants de la projection, c’est à dire de la musique, je me suis senti tellement mal que j’ai pensé sortir de la salle. Et puis le souvenir du premier visionnement m’est revenu et, dans une émotion intense, j’ai compris où avait commencé mon goût pour le cinéma japonais et mon rejet des doublages…
J’ai vu ce film qui m’avait « crucifié » qd j’avais entre 14 et 16 ans à la RTF dans les années 60. J’ai gardé toute ma vie son souvenir. Aujourd’hui sur You Tube j’ai revu les images et la musique (méritant un oscar) d’H. Kayashi qui vient de mourir. Pour moi, moi un des chefs d’oeuvres absolus du cinéma.
J’y associe je ne sais pas pourquoi « Le garçon aux cheveux verts » de Losey Méditatif et traduction d’une culture en profondeur. J’y associe un fim opposé sur la mort d’un endant « L’incompris » un film rejeté notamment par la critique de gauche car ça se passe dans un milieu bourgeois.
Qd la critique fera t’elle tomber ses préjugés et ses poncifs, à part vous, ils me font honte. Annihiler Visconti à cause de ses zooms …..!!!
Surement un de 3 plus beaux film que j’ai pu voir dans ma longue vie. J’ai 64 ans et ai été projectionniste pendant 17 ans. C’est dire si j’en ai vu.Pour moi c’est ça le cinéma ,
Je ne peux qu’appuyer ces dires ! Ce film est juste magnifique. Merci de nous faire partager vos expériences. Je suis honoré d’avoir des retours, surtout de quelqu’un qui vient du cinéma.
J’ai vu ce film à la télé,ce devait être en 1964 ou 1965…J’avais 8 ans.Je n’ai jamais oublié la musique .Quel bonheur de réentendre ce thème lancinant après toutes ces années ! Et quel film !