Meurtre à Yoshiwara
Titre anglais : Hero of the Red Light District
Titre original : Hana no Yoshiwara hyakunin-giri
Réalisé par : Tomu Uchida
Année : 1960
Pays : Japon
Durée : 1h50
Interprèté par
Isao Kimura
Minoru Chiaki
Shinobu Chihara
Kogiku Hanayagi
Kensaku Hara
Chiezo Kataoka
Eijirô Kataoka
Masao Mishima
Yoshie Mizutani
Akiko Santo
Sadako Sawamura
Toyoko Takahashi
Scénario : Jirozaemon, riche commerçant en soieries, fut jadis abandonné par ses parents. Malgré sa loyauté, aucune femme ne veut de lui à cause d’une horrible tâche qu’il a sur le visage. Un jour, on lui présente une courtisane de bas étage qui l’accepte et le traite tendrement, mais qui, en réalité, n’est intéressée que par son argent.
Critique
Entre le troisième épisode de sa trilogie Le Col du Grand Bouddha en 1959 et Zen and Sword en 1961, le réalisateur Tomu Uchida, réalise une œuvre remarquable, répondant au nom de Meurtre à Yoshiwara, durant l’ère Edo et plus précisément dans le quartier de Yoshiwara comme l’explicite le titre.
Tomu Uchida nous offre ici une œuvre posant de remarquables enjeux d’un point de vue thématique et même formel, sous l’apparence de Jirozaemon, un bébé abandonné par ses parents, portant une cicatrice au visage, martyre de sa propre existence, on le retrouve plusieurs années après, alors que celui-ci est devenu un riche négociant en soie.
Jirozaemon, est une figure d’un patron paternaliste vis-à-vis de ses employés, un homme bon et généreux, une marque d’acceptation qui cache son mal-être dû à sa marque de naissance au visage qui fait de lui, un célibataire endurci qui tente désespérément de trouver une femme sur qui il pourra compter pour engendrer un héritier comme l’auraient souhaité ses parents.
Malgré que ce dernier se fasse entrainer dans le quartier de Yoshiwara, quartier réputé à l’époque pour ses courtisanes, ses nouveaux riches marchands et ses artistes de l’estampe japonaise, aucune courtisane ne souhaite lui tenir compagnie, à part une ancienne délinquante aux origines populaires, méprisée par les autres geishas, qui cherche à tout prix à se sortir de sa condition misérable de prisonnière.
C’est alors que Jirozaemon va trouver en elle, la femme qu’il a tant cherché, cette femme de toutes ses envies.
Le film dépeint la vie de ses femmes, prisonnière de leur statut, donnant une véritable impression de groupe, de cohésion, en opposition à cette femme, mélange d’une attitude rebelle des coutumes et tradition de l’époque, mélangé à une soumission rigoureuse pour arriver à ses fins, une femme qui cherche à tout prix à devenir libre, jusqu’à user de la gentillesse des hommes, ce que Jirozaemon ne manquera pas de faire.
Uchida met ici en avant, le dévouement d’un homme, allant jusqu’à se mettre en difficultés financières, lui et ses employés, pour arriver à atteindre le bonheur qu’il cherche depuis si longtemps.
Cette femme réussira tant bien que mal à se faire payer tout, jusqu’au concours pour devenir première courtisane, un statut sacré dans le quartier de Yoshiwara.
Meurtre à Yoshiwara met en avant la fatalité d’un homme, la malédiction d’un monstre humain, qui comprend peu à peu qu’il a les mains liées, dont le sabre qu’il détient depuis sa jeunesse, sera reflet de sa malédiction.
Meurtre à Yoshiwara est bien loin du premier film d’Uchida de 1922, il représente un aboutissement aussi bien formel que fondamental d’un cinéaste aux grands talents, reconnut surtout pour son œuvre Le Détroit de la faim.
Tomu Uchida est un metteur en scène aux grands talents, un virtuose de la caméra, mettant en scène ce scénario d’un des plus grands du Japon, Yoshikata Yoda, cet homme qui a travaillé avec les plus grands tel que Kenji Mizoguchi.
Le réalisateur exploite pleinement le format scope pour cadrer chacune de ses scènes de façon à théâtraliser l’intrigue, tout en usant de nombreux plans distants pour donner encore plus de force émotionnelle à son film.
Uchida est également capable de donner de l’ampleur à ses scènes de combat, notamment la scène finale, filmé à distance, donnant une théâtralité titanesque au combat que mène Jirozaemon contre la fatalité.
En conclusion, Meurtre à Yoshiwara est une chronique sociale dès plus réussie, un film captivant, offrant un regard cruel sur un homme, rejeté par la société par sa différence physique. Une oeuvre tout à fait magistrale dans la filmographie de Tomu Uchida, mais également sur un plan général dans le cinéma japonais. Il n’y a pas de doutes, Uchida est réellement un maître du cinéma japonais.