Gosses de Tokyo

Gosses de Tokyo
Aka : I was born but… | 1932 | Japon | 90 mins | Drame/Comédie | Un film de Ozu Yasujiro | Avec Saito Tatsuo, Aoki Tomio, Sakamoto Takeshi, Yoshikawa Mitsuko, Kato Seiichi et Hayama Masao
Scénario : La famille Yoshii déménage pour se retrouver dans un faubourg de Tokyo, près de l’entreprise où travaille M. Yoshii. Les 2 fils de la famille ont un conflit avec les enfants bagarreurs des environs dont Taro, le fils du patron de leur père.

Critique

Ozu, un nom qui n’évoque rien pour ceux qui n’ont pas vu au moins un de ses films et qui évoque tout pour ceux qui ont succombé au plaisir de son cinéma où devrais-je dire, son anti-cinéma. Car oui, je rejoins davantage l’idée de Kiju Yoshida sur le cinéma d’Ozu, qu’une grande partie des occidentaux, qui pensent encore aujourd’hui, que le cinéaste était avant tout, un cinéaste traditionnel cherchant à représenter la famille japonaise de l’époque, alors que selon moi, sa vision de la famille japonaise, était réellement sa propre vision des choses. Un cinéma moderne où tout est construit, à l’image du jeu des acteurs qui n’avaient pas la possibilité de jouer naturellement jusqu’aux moindres parcelles du décor et des costumes qu’Ozu choisissait pour son oeuvre.

C’est donc après son film Où sont les rêves de jeunesse? de 1932, qu’Ozu réalise l’un de ses premiers vrais chefs-d’oeuvre, Gosses de Tokyo. Un film bien évidemment en noir et blanc et muet, qui fera certainement penser à beaucoup d’amateurs de son cinéma, à son classique Bonjour, qu’il réalisera quelques années plus tard, en couleur et surtout avec de la couleur et une sonorité bien présente qui lui aussi deviendra un véritable chef-d’œuvre. Mais ici, Gosses de Tokyo n’a rien à envier à ses compères sonores outre la difficulté que certains peuvent avoir à suivre un film dénué totalement de musique et de son, mais à vrai dire, ce n’est qu’une simple habitude, une fois les premières minutes du film, Ozu est entièrement capable de vous faire oublier des manques apparents de votre quotidien pour vous amener à vous concentrer sur de simples images en noir et blanc, pendant plus d’une heure et demie.

C’est donc grâce à l’édition qu’Arte Vidéo propose que j’ai pu voir Gosses de Tokyo, que je ne qualifierai pas de classique, mais plutôt de moderne, car selon moi, les films muets d’Ozu étaient avant-gardistes, surtout qu’ici, Ozu réussit la difficulté de garder le spectateur alerte en lui offrant un rythme rapide par rapport aux autres films qu’il réalisera plus tard. C’est un univers amusant et assez naïf dans l’ensemble, un peu à la manière de l’époque de Tom Sawyer. Comparé à son plus ou moins remake Bonjour, Gosses de Tokyo n’a pas autant d’aspects comiques que cela, mais reste tout de même très concluant, permettant à cette œuvre de se placer dans la tête de liste des meilleurs films muets du réalisateur sans pour autant être le meilleur selon moi.

Gosses de Tokyo tourne autour d’un groupe de jeunes bambins, enclins à la bagarre les uns contres les autres, simplement parce qu’ils sont nouveaux dans le quartier, mais par la suite, par le simple fait de la différence de statut de leur père, qui au final finira par une domination d’un père sur l’autre. Alors qu’à l’inverse, l’enfant du premier est lui dominé par les enfants du second, ce qui donnera une situation conflictuelle, entre le père qui souhaite que ces enfants s’instruisent pour devenir des hommes importants, alors que lui-même n’arrive pas à devenir ce qu’il souhaiterait être, véritable paradoxe de la paternité. Ozu réussit ici à démontrer que les enfants ont également des choses à dire et qu’ils sont capables de comprendre le monde qui les entoure tout en ayant de sages paroles pour les anciens. Le tout mené par une main de maitre du réalisateur, capable de diriger des enfants comme pas deux, eux qui posent beaucoup moins de problèmes que les adultes selon Ozu et il est vrai qu’en regardant Gosses de Tokyo, on ne peut être que d’accord avec sa compétence en la matière.

Au final, Gosses de Tokyo est un très bon film, œuvre concluante du cinéaste qui une fois de plus, me permet à nouveau de me rappeler pourquoi j’aime tant Ozu et de me taper sur les doigts pour ne pas l’avoir découvert avant. En effet, j’ai attendu longtemps avant de me pencher sur l’un de ses films, pensant qu’ils étaient bien trop classiques et inaccessibles, comme certains le pensent. Un conseil, allez vite découvrir Ozu Yasujiro si ce n’est pas fait, ce réalisateur est tout simplement l’un des plus grands cinéastes ayant existé sur Terre et croyez-moi, chacun de ses films reste une incroyable découverte et autant dire que je n’ai pas encore fini d’être émerveillé, car ses plus grands chefs d’œuvres sont encore pour ma part, sur mon étagère à attendre d’être déballés.

Résumé
Date de la critique
Titre du film
Gosses de Tokyo de Ozu Yasujiro
Note
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