Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon

Avec un curieux démarrage, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est surement l’un des plus puissants films italiens des années 70 et c’est grâce à Carlotta que l’on a aujourd’hui, l’occasion, de pouvoir le retrouver dans une très belle édition simple voir pour les plus chanceux, une version double collector. Pour ma part, c’est la version simple que je vous présente en collaboration avec l’opération 1 DVD pour 1 Critique du site CineTrafic. Je ne suis pas, pour être franc, un grand connaisseur du cinéma italien, pourtant j’ai déjà eu l’occasion de voir Meurtre à l’Italienne et Il Ferroviere de Pietro Germi que j’avais réellement adoré et je découvre aujourd’hui que le cinéma italien est vraiment très riche, bien plus riche que je ne le pensais. Avec Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, c’est le coup de marteau sur l’enclume, le film qui frappe fort et qui vient jouer de la satire dans une société inconsciente d’époque, mais largement encore valable aujourd’hui. Il est vrai que l’on peut se rendre compte que Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon a vieilli, il est bien ancré dans les années 70 avec les bons et mauvais côtés de la chose, cependant, il reste incroyablement efficace dans son fond au détriment de sa forme peut-être. En même temps, c’est un film politique donc de ce fait, le fond est l’élément le plus travaillé, celui qui fait le cœur du métrage, mais la forme n’est pas pour autant gâchée, juste moins travaillé même si elle nous offre certains plans saisissants. Si en plus de cela, on rajoute les années 70 par dessus, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon devient débridé, libre de faire appel à la fantaisie qu’il souhaite, en somme, de s’exposer dans une époque où tout semble permis et provocateur. À y regarder de plus près, il vient même dénoncer une institution trop longtemps gérée par les Brigades rouges, quelques années auparavant.

On suit donc l’histoire d’un commissaire de police de la brigade des homicides qui quitte son poste pour se retrouver à la tête de la section politique. Avant de prendre ses nouvelles fonctions, il est chargé d’enquêter sur un meurtre ayant été commis, celui de Augusta Terzi de la rue du temple. En réalité, le meurtrier n’est nul autre que lui-même, cette femme était sa compagne de jeux sexuels et sa tâche est de tenter de se faire soupçonner d’être l’auteur de ce crime en y laissant un maximum d’indices sur place. Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est donc un film qui critique une institution malade, mais en même temps, joue de l’humour et du divertissement. Quoi de mieux qu’une satire pour faire passer un message à ceux qui sauront l’entendre ? Et c’est d’ailleurs le grand point fort de Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon. Cette enquête incroyable d’un commissaire étant lui-même le meurtrier, enquêtant sur son propre meurtre, accompagné de ses subordonnées qui n’osent pas, ni même faire le rapprochement avec ce dernier en toutes circonstances. Accablant ! Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir laissé des indices partout.

Même quand l’enquête piétine et semble se diriger vers une mauvaise piste, le commissaire n’hésite pas à intervenir pour remettre celle-ci dans le droit chemin. Le summum de Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon revient à la scène où l’on retrouve le commissaire qui se retrouve face à de larges affiches de ses empreinte que son subalterne présente en lui indiquant que celles-ci ont été retrouvées un peu partout dans l’appartement de Augusta Terzi, cuisine, salle de bains, téléphone, verre, mais pour ce dernier, toute la police était présente et à au moins été en contact tout comme lui. Il va même jusqu’à dire qu’il se rappelle l’avoir vu téléphoner ce soir-là (ce qui n’est d’ailleurs jamais arrivé). Tout simplement insoupçonnable de par son poste et insoupçonné de par la stupidité ou l’autorité portée sur ses subalternes. La palme revient tout de même durant la scène des achats de cravates bleues où le commissaire vient à se dénoncer à un citoyen qui ne manque pas de se retrouver au poste de police devant l’auteur du crime en implorant son erreur et de sa certaine erreur de jugement.

La relation entre le commissaire et sa victime dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon est assez particulière, Gian Maria Volonté à une figure à l’image de l’imperator, impassible et de l’autre, Augusta, interprétée par Florinda Bolkan, et ils partagent des épisodes de perversité sexuelle et même malsaine. Ils jouent à reconstituer des scènes de meurtres en les prenant en photos, elle le supplie de l’interroger comme une vulgaire criminelle, elle est finalement sexuellement attirée par une forme d’autorité intouchable. De l’autre, elle est presque nymphomane et complètement allumée. De par ses attitudes de ridiculiser l’autorité que représente le commissaire, le meurtre en devient rationnel et exemple de transgression de la loi pour cet homme au dessous de tout soupçon. Le scénario est ainsi magnifiquement mené, mélange d’intrigue policière et de satire politique et sociale.

Finalement, Elio Petri devient de ce fait, un réalisateur sur lequel je creuserai mes recherches, car celui-ci a réussi à attirer mon attention, une fois de plus, sur le cinéma italien qui ne me paraissait pas si éclectique. Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon reste une œuvre à part, tel un labyrinthe policier, prisonnier d’une enquête qu’on n’arrive pas à concevoir. Satyrique, ce film est d’un radical dérangeant, un parfait exemple de la description d’une société d’époque dans sa forme et son fond. Le DVD simple permet de poursuivre les choses, notamment via les souvenirs de tournages et un entretien avec Fabio Ferzetti, critique de cinéma au Messaggero.