Choeur de Tokyo
Titre anglais : Tokyo Chorus
Titre original : Tokyo No Gassho
Autres titre : Tokyo no kôrasu
Réalisé par : Ozu Yasujiro
Année : 1931
Pays : Japon
Genre : Comédie dramatique
Durée : 90 mins
Interprété par
Okada Tokohiko
Yagumo Emiko
Takamine Hideko
Sugawara Hideo
Miyajima Kenichi
Tani Reiko
Sakamoto Takeshi
Iida Choko
Saito Tatsuo
Yamaguchi Isamu
Scénariste : Noda Kogo
Scénario : A Ginza, un quartier du centre de Tokyo, un élève maladroit au collège devient modeste employé. Un jour de grand courage, il prend la défense d’un collègue renvoyé. Il se fait alors licencier et devient homme-sandwich.
Critique
Entre La Femme et la barbe et Les Malheurs de la Beauté, cette même année, Ozu Yasujiro continuait sa carrière débutée en 1927, en expérimentant toujours autant ses talents cinématographiques pour arriver à ce qu’on le connait de meilleur chez lui, notamment Le Goût du Saké ou encore Tokyo Story et c’est grâce à ce long métrage de 1931, qu’il a petit à petit réussit à montrer de quoi il était capable, dans une tranche populaire du cinéma.
Une fois de plus, Choeur de Tokyo est un film muet, visionné sans accompagnement sonore, une expérience particulière pendant laquelle un univers musical se créer de manière non intentionnelle à la vue de simples images mouvantes.
Choeur de Tokyo est l’un de ces films populaires qui s’attachent à développer un sujet commun à tous, la vie des personnes modestes, leur quotidien, leur bonheur et leur malheur déployé par le cinéaste avec un savoir-faire déjà important, passage entre les scènes de marches et de repos, Ozu nous montre aisément le choeur d’une maison japonaise dans la plus grande intimité, dans un genre au milieu du drame et de la comédie, le tout avec une certaine légèreté, qui montre tout de même une certaine hésitation dans les choix du réalisateur, notamment dans sa manière de filmer et dans ces cadrages, qui reste à hauteur d’enfants contrairement à la grande majorité de sa filmographie où ce dernier filmera davantage au raz des tatamis.
Pourtant il impose déjà avec Choeur de Tokyo, un style qu’il ne cessera d’affirmer tout au long de sa carrière de cinéaste.
Dès les premières minutes du film, on plonge dans un univers de jeunes gens suivant un cours de gym au lycée, dans une ambiance qui ressemble à l’armée, un comique déjà mis en place par le personnage d’Okajima, le protagoniste principal du film et son professeur, digne d’un Charlot dans sa démarche, à la longue moustache qui ne manque pas de faire rire plus d’un spectateur, montrant ses grands airs de professeur.
C’est donc dans un aspect comique détonant que l’histoire prend place dans un hommage certain au cinéaste Charlie Chaplin, qui ne manque pas d’éveiller la question chez le spectateur.
Cette première scène nous donne donc un certain ton qui va finalement se tourner vers le drame, un drame vécut chaque jour jusqu’au retour à la comédie, personnifiée par le professeur et ces retrouvailles avec son ancien élève, qui a perdu son travail pour défendre ces principes.
Il faut noter d’ailleurs la très bonne interprétation du protagoniste principal, déjà héros du film Où sont passés mes rêves de jeunesse.
Ozu va donc zigzaguer entre un coté et un autre, pour rester tout de même optimiste dans le fond, malgré certaines injustices présentes dans son film, notamment le licenciement abusif d’Okajima et sa difficulté à trouver un emploi après avoir perdu le seul revenu du foyer, la maladie de sa petite fille et les caprices de son fils, qui désire à tout prix un vélo pour se comparer aux autres garçons de son entourage, tout en ne tombant pas dans le larmoyant, une limite tout à fait bien trouvée saupoudré de temps en temps d’une touche d’humour bien présente, le tout parfois dans un même cadre et la même séquence.
Ozu cherche au travers de Choeur de Tokyo à jouer avec l’impatience certaine du spectateur, au travers d’images métaphoriques comme un poisson mort, une fleur fanée, un éphémère bien réel qui ne prend pas par au drame facile.
En effet, le cinéaste déjoue les évidences et s’amuse à détourner l’attente du spectateur pour mieux le surprendre.
Choeur de Tokyo possède à coup sûr une qualité visuelle soignée, malgré quelques petites hésitations d’un cinéaste qui se cherche encore et qui tente petit à petit à se détacher de l’influence occidentale de ces années pour se focaliser sur l’intérieur de la maison japonaise traditionnelle dans un cadre quasi pictural mené par des plans fixes pour montrer au plus près les hommes, leurs manières de vivre, leurs apparats, tout comme les objets qui font réellement partie intégrante de la vie de ces protagonistes, objets qui influence l’histoire de ces derniers, tout comme l’influence hollywoodienne qui marquera un certain tournant dans l’histoire du cinéma japonais.
Ozu parvient à tirer le meilleur de ses acteurs, dégageant de ces derniers une spontanéité et une naïveté évidente, ils sont à eux seuls, tout un élément du burlesque du film. Certes, Choeur de Tokyo n’est peut-être pas le meilleur film d’Ozu Yasujiro, mais sent bon l’époque dans laquelle il s’est tourné.