Blind Beast
Histoire originale : Rampo Edogawa
Critique
Plongé dans les lumières de la nuit, dans l’obscurité tout entière, je vois ce corps que je désire plus que tout au monde, je le sens à travers mes doigts, c’est l’œuvre de ma vie et je le veux pour moi, pour ma création, pour mon chef d’œuvre…Voici une belle phrase de mon imagination qui représente l’idée du film de Yasuzo Masumura, Blind Beast, tiré des écrits de Edogawa Ranpo et qui pour une fois et l’une des œuvres que j’ai déjà lu et que j’avais grandement appréciée et je dois dire de la voir sur grand écran, adapté par un célèbre réalisateur est un réel plaisir de cinéphile, surtout quand l’adaptation est à la hauteur de l’œuvre littéraire, car il faut l’avouer, Masumura réussit à retranscrire l’inquiétant et pervers univers avec succès dans une œuvre cinématographique dérangeante, perturbante, plongeant dans une perversité du corps et de l’esprit, parfois difficile à supporter. En effet, Blind Beast est un film pervers et passionnel, traité de manière magistrale par Masumura au travers du portrait d’un artiste sculpteur aveugle, de sa mère et de son modèle, forcé d’accepter la mission qu’on lui impose, devenir l’objet de son chef d’œuvre.
Dans Blind Beast, le thème de l’aveuglement est traité sous trois aspects, d’une part physiquement, par ce sculpteur ayant perdu la vue à la naissance cherchant à parfaire un art de la sculpture, l’aveuglement d’une mère, pleine d’amour pour son fils jusqu’à le suivre dans l’antre de sa folie et pour finir, l’aveuglement d’une femme pour la passion charnelle qui ira la conduire jusqu’au plaisir sado masochiste de la chair et de la mort.Ces trois formes d’aveuglements ne semble avoir aucune limite, à la manière d’un Oshima Nagisa dans L’empire des sens, le plaisir charnel vient peu à peu se transformer en jeu du vice et du sanguinaire, les similitudes ne sont pas un hasard, chacun des deux réalisateurs ayant cherché à produire des films sur les plaisirs du sexe. C’est à vrai dire, sans aucun doute, que le Japon est une caverne au sexe pervers, le sadisme, l’abandon de soi, le plaisir de la séquestration, aucun doute, il s’agit bien de cinéma japonais. Mais ici dans Blind Beast, il ne s’agit pas d’une œuvre grossièrement emprunte de cet univers, c’est un réel chef d’œuvre que nous livre Masumura avec ce huit-clos étouffant et même surréaliste, notamment par les œuvres du sculpteur allant à l’encontre de l’entente humaine, ces bouts de chair, chacun sur un mur indépendant, confronte le spectateur dans son propre malaise face au corps humain.
Blind Beast n’est pas un film pour tous, je pense que d’entrer dans un premier temps dans l’œuvre littéraire est un bon moyen pour accepter l’œuvre de Masumura, d’autant qu’elle se rapproche beaucoup de celle d’Edogawa Ranpo, l’interprétation y faisant pour beaucoup, Midori Mako, dans le rôle de la captive est diaboliquement excellente et même dérangeante dans les dernières dix minutes du film, qui nous envahit d’un profond malaise, nous inquiètent et nous subjuguent à la fois, c’est du grand art que nous livre Masumura, c’est intense, c’est puissant et terrifiant, un chef d’œuvre sensuel et inimaginable et pourtant la suggestion et le hors-champ des caméras viennent nous plonger dans un état second dans cette perle du cinéma japonais qu’il est immanquable de voir, si l’on prétend aimer le cinéma de ce pays.
Je ne savais pas que ce film était adapté d’une œuvre litt.
Je l’ai vu il y a peut-être 2/3 ans sur arte…et je m’en souviens assez bien parce qu’il m’a marquée.
C’est hallucinant toutes ces sculptures aux murs…
J’ai vraiment beaucoup aimé ce film, la fin est surprenante, je m’attendais pas à ça.
J’ai vu également Tatouage du même réalisateur mais je m’en rappelle plus :(
Oui, C’est une adaptation du célèbre écrivain Edogawa Rampo, un artiste à ne pas louper.Effectivement, Blind Beast était déjà passé sur Arte et même plusieurs années, les gens avec qui je discute sur le sujet s’en rappelle assez clairement, c’est à cela qu’on reconnait un bon film d’un mauvais en même temps.Pour ce qui est du film Tatouage, malheureusement, je ne l’ai pas encore vu, j’espère un jour tomber sur une édition pas trop chère, pour le voir, l’univers de Yasuzo Masumura est impressionnant, que se soit avec Blind Beast, Giants and Toys ou bien Red Angel, chaque fois, je suis conquis.
Je connaissais de réputation et je n’ai pas été déçu du résultat. J’ai acheté les deux DVD double réunissant les titres Tatouage et La Bête aveugle ainsi que La Femme de Seisaku et Passion lorsqu’ils sont sortis. Du grand cinéma. Ce cinéaste m’a laissé une très grande impression et puis on lui doit le truculant Hanzo The Razor : L’enfer des supplices et ce n’est pas rien.
Quant à La Bête aveugle l’ambiance de ce huit clos est incroyable et je te rejoins largement lorsque tu parles de malaise, du fait que l’oeuvre inquiète mais également subjugue. Et l’actrice… :)
Pour ce qui est de Tatouage, je ne suis pas très fan. Par contre La femme de seisaku ( mon préféré ) et Manji/Passion tiennent du pur génie , tout comme Red Angel et Blind Beast l
J’ai suivi vos conseils en lisant d’abord le roman puis en regardant le film – et j’ai été un peu déçu.
En effet, le film se concentre sur la première partie du roman et change la nature même de ce qui nous est montré : ce n’est plus un esthète pervers, psychopathe et cynique qui enlève des jeunes filles pour jouir de leur épiderme et de leurs formes avant de les désarticuler et de conserver la meilleure part pour son oeuvre finale, mais un benêt pris dans une relation oedipienne (lourdement explicitée) qui découvre enfin l’amour charnel et qui s’y abîme définitivement !
Le film en lui-même ne se ressent pas de ce changement, le jeu des acteurs est excellent et porte très bien le texte, souvent issu en droite ligne du livre.
Si ce qui est représenté est certes de l’ordre du choquant, ce qui est montré reste assez gentillet, la délicieuse actrice s’ingéniant, au demeurant, à cacher pudiquement sa poitrine.
C’est le premier film de Masumura que je vois, et j’ai le sentiment tout de même que ce n’est pas du niveau d’Oshima, en terme de savoir faire cinématographique et d’intensité (par exemple, quand le premier membre de la statue tombe, on est heureusement surpris, au quatrième, on trouve ça lourd)
Y a-t-il un autre film de Masumura qui risque de me faire changer d’avis ?
(Sinon, sans rapport, j’adore vos critiques !)
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Merci du commentaire.
Construit et intéressant, c’est plaisant d’avoir d’autres avis que le miens.
Concernant les autres films de Masumura, j’ai bien apprécie Red Angel ou Manji. Ma préférence va à Red Angel que j’ai vraiment trouvé excellent. C’est tout de même ces trois titres phares.
Merci beaucoup pour le compliment sur mes critiques. Certains les trouvent trop légère et parfois mal écrite, pour ma part, j’essaye de faire simple, adapté à tous, qu’importe si elles ne sont pas très construite, l’essentiel de mon avis est là, à chacun de se faire son propre avis une fois le film vu et pourquoi pas ajouter son commentaire pour donner son point de vue.