An Inn in Tokyo
Titre original : Tokyo no yado
Titre français : Une Auberge à Tokyo
Réalisé par : Ozu Yasujiro
Année : 1935
Pays : Japon
Genre : Drame/Comédie
Durée : 75 mins
Interprété par
Takeshi Sakamoto
Yoshiko Okada
Chouko Iida
Tomio Aoki
Kazuko Ojima
Chishu Ryu
Takayuki Suematsu
Scénariste : Masao Arata & Tadao Ikeda
Scénario : Un chômeur et ses deux jeunes fils se lient d’amitié avec une jeune femme et sa petite fille, eux aussi errants, à la recherche d’un travail…
Critique
Entre L’amour d’une mère en 1934 et La Danse du Lion en 1936, le réalisateur Ozu Yasujiro se met à l’ouvrage, en réalisant un drame teinté de comédie, dans un univers sonore inexistant.
En effet, An Inn in Tokyo nous plonge dans un silence total qui demande à nos chères oreilles, un temps d’adaptation, qui nous habitue à notre époque, à une surenchère du son.
Ne cherchez donc pas à régler le volume de vos enceintes, ou à chercher une panne technique, An Inn in Tokyo ne produira aucun son.
Reprenant ce qu’il a déjà mis en place avec des films comme Gosses de Tokyo ou Récit d’un propriétaire, Ozu utilisera à nouveau les enfants, qui lui inspirent un nombre incroyable de scènes aussi bien comiques que tendres.
Ozu joue sur une mise en scène très particulière qui annonce avec An Inn in Tokyo, les grandes lignes de son cinéma qui sera reconnu mondialement.
On retrouve dans cette œuvre, l’excellent Sakamoto Takashi qui se met dans la peau de ce père qui erre en compagnie de ses deux enfants, à la recherche d’un travail pour subvenir à leurs besoins.
Ozu dose les émotions de son œuvre avec une main de maître sans jamais tomber dans le domaine du larmoyant excessif, ni dans le pittoresque d’époque.
Certes, on peut souvent sourire face au tirage de langue des enfants ou encore de la tête du père, au sourire immense et un peu benêt.
Ozu réussit avec An Inn in Tokyo à user d’une trame narrative d’une limpidité extrême sans s’embarrasser de longueurs dramatiques.
La découverte de cette auberge de Tokyo, nous montre la vie de ces êtres, à l’image de cette chasse au chien errant, en sorte, un reflet de leur propre condition, de leur errance dans cette société parfois fermée.
Le jeu d’acteur est incroyable, d’une retenue maitrisée, nuancée et d’un naturel magique, celui-ci annonce déjà la nouvelle vague du néoréalisme du cinéma japonais.
Au niveau de la mise en scène, on retrouve certains éléments qui caractérisent le cinéma d’Ozu, des plans à hauteur de tatami, des changements de perspective dynamisant l’action et des gros plans sur les émotions et expressions des protagonistes.
Il est également intéressant de noter cet optimisme à la limite du romantique, avec la présence d’une veuve et de sa petite fille qui deviendra malade, qui ne sont pourtant, pas les personnages les plus importants du récit, mais qui permettent de donner encore plus de fluidité à l’histoire, d’y apporter une forme d’humanisme dans une société fermée aux pauvres.
La scène finale du père, inspirée du film Femmes et voyous, bascule dans le mélodrame d’une intensité dramatique plus importante sans pour autant dénaturer l’arrivée de celle-ci.
En conclusion, An Inn in Tokyo est l’un des plus grands films du réalisateur, même si celui-ci se place dans sa période muette, pas forcément la plus accessible, il offre un mélange de comédie et de drame, mise en scène par un cinéaste qui petit à petit se forgera une carrière monumentale dans le cinéma japonais, d’une fluidité redoutable, prémices des éléments qui deviendront typiquement un aspect indissociable de son cinéma.
Une oeuvre qui, encore aujourd’hui, a toute sa place dans notre société actuelle.