Une jeune fille à la dérive

Une jeune fille à la dérive
Aka : Hiko Shojo | Japon | 1963 | Drame | 114 mins | Un film de Urayama Kiriô |Avec Izumi Masako, Hamada Mitsuo, Takahara Toshio, Sayo Fukuko, Ozawa Soichi, Koike Asao, Kobayashi Toshiko, Kitabayashi Tanie et Hamamura Jun

Compositeur : Mayuzumi Toshiro | Scénaristes : Ishido Yoshio & Urayama Kiriô | Directeur Photo : Takamura Kurataro

Scénario : Vivant dans un petit village côtier, Wakae, une jeune fille de 15 ans, travaille dans un bar comme hôtesse. Sa mère est morte et son père, alcoolique et pauvre, vit avec une nouvelle femme. Alors qu’elle vient de voler une paire de chaussures elle rencontre Saburo qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps et qui tente de l’aider. Mais les circonstances les sépareront.

Critique

Prévue pour sortir prochainement dans nos salles de cinéma, Une jeune fille à la dérive de Kirio Urayama est un de ces films qui dès les premières minutes nous laissent déjà présager un moment rare de cinéma, en effet, le second film du réalisateur fait sa première apparition dans l’hexagone et il va sans dire que les amateurs du cinéma japonais seront ravis de le retrouver le 22 Juillet 2009, mais c’est avec une certaine humilité que je suis déjà en mesure de vous fournir un avant-goût de cette sortie de E.D Distribution, éditeur qui cherche à nous faire découvrir des films uniques et surtout jamais sortis en France, c’est donc tout à leur honneur que je vous livre une critique d’une jeune fille à la dérive.

Réalisé par Kirio Urayama, responsable de La ville des coupoles en 1962, Une jeune fille à la dérive est sans aucun doute, une rareté des années 60, période prospère du cinéma japonais qui prenait l’habitude de nous dévoiler des films sur une jeunesse fougueuse et sexuellement libérée, Urayama lui, opte pour une vision complètement opposée au courant de l’époque et nous dépeint une cruelle histoire d’amour entre deux jeunes gens laissés pour compte par la société dans Une jeune fille à la dérive. Le contexte qui vient soutenir cette idée est le suivant, Wakae, une jeune fille d’une quinzaine d’années s’ennuie, ne va plus à l’école et passe son temps à travailler comme hôtesse dans un bar du village côtier dans lequel elle vit, à boire, fumer et trainer avec les hommes malgré le dégout qu’elle a pour la situation dans laquelle elle se retrouve piégée. Sa mère est décédée depuis plusieurs années et son père ne fait que boire de la journée pour oublier sa misérable condition.Dans le but de s’extirper de sa pauvre condition, Wakae vole une paire de chaussures à talon, symbole d’un rang social important à ses yeux et recroise le regard d’un garçon, Saburo, qu’elle à connu dans son enfance qu’elle n’avait pas revue depuis très longtemps, qui va tenter de la remettre dans le droit chemin.

Il est évident que le réalisateur avec Une jeune fille à la dérive, par une trame politiquement engagée et stylisée dans la forme cherche à nous montrer le rapport qu’il peut y avoir entre les personnages et les objets de leurs désirs, notamment Wakae qui vous un certain amour à cette paire de chaussures et à cette jupe que Saburo lui offre pour son plaisir, mais c’est également l’argent qui représente une certaine notion de liberté.A travers une mise en scène travaillée, proche d’un travail de théâtre, Urayama nous démontre dans Une jeune fille à la dérive, par le placement de ses personnages dans le cadre, dans quelle mesure ils sont représentatifs des sentiments qu’ils éprouvent et de ceux qu’ils cherchent à montrer. C’est sans aucun doute une mise en abîme de l’identité japonaise qui est dévoilée sous différents jours, celui de ses personnages et de ceux à quoi ils tendent de paraître, une belle histoire d’amour, mais qui semble déjà vouer à l’échec et au malheur, leur condition ne fait alors que les séparer de plus en plus.Urayama utilise régulièrement des images et symboles dans ses différentes scènes pour appuyer cette condition de pauvreté sociale que les protagonistes subissent, ils ne se sentent pas digne de s’aimer l’un l’autre et tentent de se le prouver à eux-mêmes, notamment dans cette scène mettant en parallèle, un amour explosif et dramatique de deux êtres rejetés par la société et à côté, les spectateurs d’un concours de beauté à la télévision, tournés vers un modèle de condition humaine à respecter.

Les idéaux tombent peu à peu dans l’oubli, la fatalité rattrape les personnages et Urayama nous livre cela de manière limpide, accessible et sans fioritures, une histoire que chacun peut comprendre et ressentir, il en devient évident que le réalisateur cherche à nous montrer une vérité qui encore aujourd’hui, existe encore et encore dans nos sociétés d’apparats. E.D Distribution choisit donc d’éditer un film rare dans une qualité très satisfaisante du coté de l’image et du son, on ne peut que tirer son chapeau à cette initiative qui pourtant à l’époque lors de la réalisation de Une jeune fille à la dérive par Urayama lui avait couté sa place de réalisateur pour retourner à celle d’assistant.Pour moi, E.D Distribution ne peut que se féliciter d’avoir choisie une telle œuvre à incorporer à son catalogue et ce n’est que plaisir au final, pour le spectateur averti qui sera conquis par cette rareté japonaise. Au final, ne ratez pas sa sortie prochaine en salles, Une jeune fille à la dérive en vaut le détour et j’espère que l’éditeur orientera à nouveau ses choix dans ce même sens, voici enfin un réalisateur que je ne connaissais pas et qui désormais fera partie de ceux que je surveillerais lors de ma recherche des perles du Japon.

Résumé
Date de la critique
Titre du film
Une jeune fille à la dérive de Urayama Kirio
Note
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