L’Intendant Sansho

L'intendant Sansho Cover

Titre anglais : Legend of Bailiff Sansho
Titre original : Sanshô dayû
Réalisé par : Kenji Mizoguchi
Année : 1954
Pays : Japon
Genre : Drame
Durée : 120 mins

Interprété par

Tanaka Kinuyo
Kagawa Kyoko
Shimizu Masao
Shindo Eitaro
Kono Akitake

Compositeur : Hayasaka Fumio
Scénariste : Yoda Yoshikata
Directeur photo : Miyagawa Kazuo

Scénario : Au XIème siècle, la guerre entre provinces nippones fait rage, provoquant l’exil d’une famille noble à travers la campagne, infestée de voyous. Zushio et Anju, les 2 enfants de 13 et 8 ans, sont enlevés par les hommes de l’intendant Sansho et réduits en esclavage dans un camp de travail. Quant à leur mère, elle est déportée sur une île où elle devient courtisane. Mais Zushio rumine sa vengeance…

Critique

Entre Contes de la lune vague après la pluie en 1953 et Une Femme dont on parle en 1954, Mizoguchi réalise l’une de ses plus belles œuvres cinématographiques, L’Intendant Sansho, un classique de l’âge d’or des studios de cinéma japonais de cette époque, à la même période que les plus belles réussites de réalisateurs tels que Akira Kurosawa, Yasujiro Ozu ou encore Mikio Naruse, qui de leurs cotés, réalisent à cadence régulière et enchainent les succès cinématographiques.

Dans l’ensemble de sa filmographie, Mizoguchi aura rarement réalisé une œuvre aussi cohérente que généreuse d’un point de vue cinématographique, qui fut d’ailleurs récompensé par un Lion d’Argent au Festival de Venise, comme il en avait l’habitude.

L'intendant Sansho image 1

Avec L’Intendant Sansho, Mizoguchi Kenji transporte le spectateur à une époque particulière, le Japon du Xième siècle, où l’on suit la tragique histoire d’une famille déchue, dont les enfants serons réduits en esclavage et la mère en tant que courtisane forcée.

En effet, Mizoguchi nous montre qu’à cette époque, les paysans japonais étaient pour la plupart vendus et exploités comme des esclaves, enfermés dans des camps de fortune, soumis à des conditions de travail effrénés, même pour les plus jeunes, où la notion de dignité humaine avait complètement disparue, encore plus flagrant lorsque l’on apprend que ceux qui tentaient de s’échapper du camp étaient tous simplement marqués, un fer brulant sur le front, pour montrer à tous, ce que l’on risquait à s’y tenter.

C’est ainsi que Zuchio et Anju, les deux enfants ayant été séparés de leur mère par des brigands, marchands d’esclaves, se retrouvent être victime de L’Intendant Sansho et de son enclos à esclaves pendant plus de 10 ans d’humiliations, même si une lueur d’espoir brûle toujours dans le coeur d’Anju, contrairement à son frère Zuchio.

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L’Intendant Sansho est un superbe mélodrame, un grand drame historique, accompagné d’une superbe bande originale, réalisée par Fumio Hayasaka qui met en relief avec grande délicatesse l’émotion et les scènes clés du film.

C’est également une théâtralité omniprésente du jeu des acteurs, troublant de vérité, une mise en scène simple et forcément évidente, construite à partir de cadrages au cordeau, de superbes plans-séquences et de longs travellings qui soulignent l’action, une véritable maitrise d’un bout à l’autre de la main d’un incontestable cinéaste de talent.

L’Intendant Sansho est l’un des seuls films de Mizoguchi de cette époque à être aussi long dans sa durée, en effet, seul La vie d’O-Haru femme galante dépasse également les deux heures, mais cette durée inhabituellement longue permet de faire culminer son œuvre dans les sommets du drame et du film politique.

En effet, en plus d’être une œuvre mettant en avant les liens d’amours, d’amitié et d’humanité en général, L’Intendant Sansho met également le doigt sur un pouvoir délibérément aveugle des cruautés humaines qui se déroulent sous leurs yeux, une surdité de la haute classe dirigeante, qui ne serait capable de changer les lois au profit de l’homme libre.

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Et C’est Zuchio qui tentera du mieux qu’il le peut, à changer les choses, grâce au statut qu’il obtiendra du ministre, passant d’esclave à gouverneur, il profitera de sa position pour faire valoir la liberté des hommes par l’interdiction de la vente d’esclave, que çà soit dans les domaines publics et même privés, malgré que ces derniers ne sont pas sous son autorité, il arrêtera L’Intendant et libérera les esclaves de son emprise.
Cependant, même si cet épisode démontre une critique de l’exploitation de l’homme par l’homme, il flotte une tristesse bien présente, un passé inaltérable, comme les marques de fer rouge sur le front de ceux ayant tenté de s’enfuir, ou encore le sacrifice d’Anju pour la cause de son frère Zuchio.

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Comme la plupart du temps chez Mizoguchi, la symbolique du lac est également présente, ici reflet de la perte des repères moraux et de la séparation des enfants de leur mère, qui fera écho à la scène finale des retrouvailles de Zuchio, qui abandonnera tous les honneurs de son courage pour retrouver sur l’ile de Sado, sa bien chère mère, devenue handicapée d’une jambe pour avoir tenté d’échapper à son sort et ayant perdue la vue.

Des retrouvailles faites de désespoirs, de regret, d’une intensité rarement vue, d’un humanisme fulgurant, qui ne manquera pas de mettre la larme à l’œil à plus d’un, moi-même ayant été pris sous le charme, une chose qui n’arrive pratiquement jamais, et pourtant, Mizoguchi réussit l’impossible, sous une oeuvre maitrisée d’un point de vue formel et fondamental, une œuvre indispensable à tout fan du cinéma japonais digne de ce nom.

Résumé
Date de la critique
Titre du film
L'Intendant Sansho de Kenji Mizoguchi
Note
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