Le Traquenard

Le Traquenard Cover

Titre original : Otoshiana
Autres titre : Kashi to kodomo
Titre anglais : The Pitfall
Réalisé par : Hiroshi Teshigahara
Année : 1962
Pays : Japon
Genre : Drame
Durée : 97 mins

Interprété par

Hisashi Igawa
Sumie Sasaki
Sen Yano
Hideo Kanze
Kunie Tanaka
Kei Sato
Kazuo Miyahara
Akemi Nara
Tadashi Fukuro
Kikuo Kaneuchi
Kanichi Omiya

Scénariste : Abe Kobo
Histoire originale : Abe Kobo

Scénario : Un mineur sans abri erre pour trouver du travail. Il est suivi puis tué par un mystérieux homme vêtu de blanc…

Critique

Entre son métrage en deux parties, Jose Torres en 1959 et son moyen métrage, Sculptures de Sofu-Vita en 1963, Hiroshi Teshigahara nous livre sa première collaboration avec l’écrivain Abe Kobo en 1962, sous le nom français, Le Traquenard, une œuvre atypique longtemps resté caché au Japon, qui a réellement vu le jour avec une réédition par Criterion pour l’édition Zone 1 et récemment par Carlota Films pour l’édition Zone 2.

C’est donc pendant la même période que Kaneto Shindo, que Hiroshi Teshigahara se lance dans la production de films indépendants avec sa propre société de production avec cette première grande œuvre où il démontre déjà toute son inventivité visuelle, mais également narrative pour traduire des questions existentielles qui semblent réellement posséder ce dernier tout au long de sa carrière.

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L’intrigue s’inscrit de la façon suivante, dans un noir paysage minier sous une terrible chaleur, un mineur (Hisashi Igawa) et son petit garçon, accompagné d’un collègue de travail sont en train de se concerter pour quitter leur actuel emploi, pensant être exploités, ils vont chercher à tenter leur chance auprès d’un patron offrant davantage de garanties et de meilleure condition de travail que leur ancienne fonction.
C’est alors qu’ils réussissent à trouver un travail à la mine du coin, mais quelque temps après, le père est expédié dans une région abandonnée où seul un village sans personne réside, pour seule raison d’obtenir un poste bien plus intéressant par un mystérieux nouvel employeur.

Alors qu’il se sent suivit par une étrange présence, au cours d’un sinueux chemin menant à son lieu de rencontre, ce dernier se fera sauvagement poignardé et assassiné par cette étrange présence tout habillée de blanc (Kunie Tanaka).
Seule témoin, une femme commerçante, qui décrira l’assassin comme étant le patron du syndicat de la mine au lieu d’annoncer la vérité par peur de subir le même traitement.

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Teshigahara va user d’ellipses cinématographiques et de moments incompréhensibles pour mener à bien cette satire sociale terriblement bien construite à la mise en scène incroyablement inventive et déboussolant cassant littéralement une grande partie des codes du cinéma japonais classique donnant ainsi une ambiguïté dans la dimension du film, entre œuvre d’art et œuvre typiquement d’auteur.
C’est également l’apport d’une bande son complètement expérimentale de Takemitsu Toru qui donne à l’œuvre un poussif décalage, créant une certaine sensation de malaise chez le spectateur, entre silence insoutenable et percussions étranges.

Teshigahara fera basculer l’enquête policière en quête spirituelle de cette victime, en effet, le réalisateur offre cette fabuleuse idée de voir le film au travers du défunt mineur, véritable spectateur de sa vie après la mort, montré au travers de l’esprit de celui-ci se baladant au milieu de son ancienne vie sans pouvoir agir ou se faire entendre des vivants, passif devant le subterfuge se mettant en place après sa mort.

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On se retrouve alors au milieu d’une œuvre complètement imprévisible jusqu’à cette absurde finalité, une étrangeté permanente entre différents plans d’animaux et ses situations dérangeantes, le film offre un certain regard sur les déserteurs du Japon, exploités pour le travail de mineur où chacun risquent leurs vies à tout moment, entre les crapules en costumes prenant un maximum de profit sur le dos des noirs mineurs de leur dur labeur, de la manipulation de la vérité par les pots de vin, d’un désenchantement de la société, rendant le spectateur pratiquement désarmé du début à la fin de l’œuvre, à l’image de cet homme dans l’impossibilité de communiquer.

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Au final, Teshigahara montre avec ce premier long métrage ses incroyables talents de cinéaste d’un cinéma expérimental, Le Traquenard est une œuvre moderne avant l’heure, à mi-chemin entre la satire sociale et le conte fantastique, d’un réalisme sans faille, sujet d’une réflexion sur la condition humaine et son époque, l’œuvre de Teshigahara est une réel poème visuel, emblème de la créativité incroyable du cinéma japonais des années 60, un film absolument essentiel pour les amateurs de cinéma japonais.

Ma note pour ce film : 8,5/10

Résumé
Date de la critique
Titre du film
Le Traquenard de Hiroshi Teshigahara
Note
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