Rope
Aka : La Corde | 1948 | Thriller/Suspense | 77 mins | Etats-Unis | Un film de Alfred Hitchcock | Avec James Stewart, John Dall, Farley Granger, Cedric Hardwicke, Constance Collier, Douglas Dick, Edith Evanson, Dick Hogan et Joan Chandler
Scénario de Rope
Brandon Shaw et Philip Morgan sont deux étudiants. Dans leur appartement de New York, par un soir ordinaire, ils assassinent un de leurs camarades, David. Puis, comble du cynisme, ils préparent un dîner auquel sont conviées le soir même, sur le lieu du crime, la famille de la victime et sa petite amie. Parmi les invités se trouve également un de leurs professeurs, Rupert Cadell, qui, observant le comportement étrange des jeunes gens au cours de la soirée, va commencer à soupçonner l’impensable.
Critique de Rope
L’une des œuvres la moins connue de Alfred Hitchcock, Rope est un exemple de technicité. Sous cette intrigue policière, le réalisateur nous emmène sous les toits d’un immeuble bourgeois dans lequel un meurtre vient d’être commis. Sur la scène du crime, deux jeunes hommes de famille aisée viennent d’étrangler une de leur connaissance à l’aide d’une simple corde et cache le corps de ce dernier dans une malle de bois. En effet, dans une petite heure, la salle se remplira de convives qui ne doivent pas se douter de quoi que ce soit. Pour eux, cet acte n’est qu’un simple événement provenant d’une théorie de leur professeur qui reconnaît aux êtres supérieurs le droit de tuer un être en infériorité qui n’a plus rien à apporter à la société. Une théorie intéressante d’un point de vue philosophique mais diabolique sur le plan de la rationalité. Pourtant, ils n’hésitent pas lors de leur assassinat, sauf peut-être l’un d’entre eux, qui finalement a du mal à réaliser son acte et devient angoissé à la vue des premiers convives qui se précipitent dans le salon, lieu de l’emplacement de la malle en bois contenant notre défunt personnage.
Durant cette très glauque sauterie en présence de la mère et petite amie du défunt, mais également du professeur ayant un jour, exprimé son avis sur la théorie des êtres supérieurs et inférieurs, la malle de bois devient un élément à suspense. Multiples sont les questions à son sujet. Pourquoi le repas est-il servit sur celle-ci plutôt que sur la table à manger prévue à l’origine ? Où se trouve l’invité que tous le monde attends avec impatience ? Le corps sera t-il découverte ? Tout Rope tient sur cette seule énigme. Alfred Hitchcock a cherché à jouer de cette théâtralité en y appliquant la loi des 3 unités. D’une part, l’intrigue de Rope se déroule dans une seule pièce, celle où se situe la malle de bois et où la fête se déroule. Mais là où le réalisateur fait fort, c’est que son montage fait appel à la technique du Ten Minutes Take, de ce fait, les raccords entre les diverses scènes sont quasiment invisibles et au final, on a l’impression que Rope est tourné d’une seule traite, à la manière d’une pièce de théâtre. Cette illusion est réussie tout du moins pour le premier visionnage du film.
On se sent donc comme étant l’un des invités de cette soirée, mieux encore, comme l’esprit du défunt, qui s’aperçoit de sa récente mort, de sa propre vengeance. La tension de Rope y est donc bien mené, on est aussi inquiet que les deux meurtriers qui ont commis l’impardonnable, lorsque certains des convives regardent d’un peu trop près la malle en bois. Inquiet également, lorsqu’un l’un des deux jeunes hommes perd son sang-froid et proche de craquer sous la pression. Le décor lui-même atteste de ce sentiment de malaise qui envahit la soirée. Peu à peu, les interrogations deviennent de plus en plus pressantes. Le summum vient du personnage du professeur, bien moins crédule, qui dès le départ sans quelque chose qui ne tourne pas rond. D’ailleurs, les deux meurtriers sont très joueurs malgré le fait qu’ils savent que seul leur professeur peut découvrir le subterfuge.
Au final, Rope est un bon exemple de Alfred Hitchcock dans sa manière de jouer avec le suspense. D’une main de maitre, il réussit à nous fasciné par ses hommes, véritable gentleman et meurtrier réfléchi. A croire, que ce dernier n’était pas si étranger au film, le personnage interprété par James Stewart pourrait étrangement ressembler à sa manière de penser. Rope est finalement une belle pièce de théâtre du cinéma.