Mad Detective

Après son très typé western, Exilé en 2006, Johnnie To revient en grande forme avec une tentative de changer la donne et de briser les habitudes en mettant en scène ce Mad Detective et son personnage principal atypique ayant la faculté d’apercevoir les personnalités profondes de chacun comme des personnes à part entière, on le sait maintenant, Johnnie To aime se balancer entre plusieurs genres pour mieux les assembler les uns avec les autres et c’est donc avec Mad Detective que celui-ci revient au galop, avec un certain sentiment de nostalgie de l’époque faste des studios de la Milkyway et un scénario complexe à la finalité complètement dingue.

Ce scénario c’est celui du fruit de son imagination et de celui de son collègue Wai Ka-fai, qui n’en manque pas pour nous pondre des histoires toujours aussi prenantes, avec cette fois-ci, une grosse touche fantastique, qui permet de se différencier des œuvres réalistes.

On nous emmène au cœur d’une enquête policière sur laquelle les méthodes habituelles n’ont plus aucun effet sur l’état d’avancement de celle-ci et où les experts en criminalité se retrouvent perdus dans les méandres de cette affaire, celle-ci se concentre sur l’arme d’un policier disparu.

C’est alors qu’un jeune inspecteur va tenter de retrouver un ancien profiler un peu déjanté pour essayer de résoudre cette énigme, celui-ci est connu pour avoir résolu des affaires insolubles, en se mettant à la place de la victime dans des séances de transe afin de capter la psychologie du meurtrier.

Johnnie To décide d’axer de manière significative son film sur le personnage de Bun, cet inspecteur qui a la faculté de voir les personnalités de chaque personne de manière visuelle et rend le scénario confus par ses nombreux aller-retour, pourtant, l’intérêt est bien présent, l’humour est bien senti, les interprètes offrent des prestations talentueuses, le tout ayant un certain charme, aucun doute, on est bien dans un film de Johnnie To, mais un Johnnie To assez déjanté d’une logique implacable, mais comparée à ses habituelles productions sérieuses, Mad Detective est aux premiers abords, ridicule et puérile, pourtant cette production reste très amusante et assez subtile.

Il est évident que Mad Detective est un bon film, aucun doute dessus, Johnnie To réussit à nouveau à poser sa marque de fabrique avec ses plans soignés à grande mobilité, une obscurité légère des scènes et une ambiance souvent pesante, pas de doute, on est bien dans un film de Johnnie To avec également ses quelques scènes d’humour qui font toute la différence par rapport aux autres productions du genre.

En effet, Johnnie To s’amuse à bluffer le spectateur avec l’insertion de quelques nouveaux codes de la réalisation et surtout avec un jeu de perception, en effet, celui-ci se trouvera en position d’accepter le don de l’inspecteur Bun et de sa capacité à voir ce que les autres ne peuvent voir ou simplement se rassurer en pensant qu’il s’agit simplement de la vision des choses d’un inspecteur ayant perdu la boule, la véracité des faits en devient parfois incertaine, on bascule d’une théorie à une autre sans jamais être certains de ce que l’on croit, Mad Detective serait presque un huit clos mental pour le spectateur qui se retrouve coincé dans une spirale.

Et lorsque l’on connait la scène finale du film, on en déguste tous le sens,  même si les connaisseurs y verront un clin d’oeil au film La dame de Shanghai d’Orson Welles, en tout cas, ce Mad Detective fête dignement les 10 ans du studio de la Milkyway qui pour ma part, m’a bercé dans ma période polar de Hong-Kong, j’en garde encore un souvenir inoubliable, de sa qualité à faire confiance à des réalisateurs de talents pour nous faire vivre d’incroyables scènes, nul doute que ce Mad Detective offre au spectateur une madeleine de Proust bien agréable à déguster.