Happy Times

La vue est parfois bien insuffisante pour apercevoir les choses les plus importantes que l’ouïe en est capable, ainsi pourrait-on qualifier le film Happy Times de Zhang Yimou, une comédie dramatique touchante, une réussite une fois de plus pour le réalisateur.

C’est à travers le portrait de deux êtres humains que Yimou s’attache à proposer sa vision de la Chine contemporaine, de manière détournée, mais bel et bien visible, le premier sous les traits d’un homme grisonnant, attendrissant, mais menteur, le second sous les traits d’une jeune fille de 18 ans, aveugle et maltraitée.

Aux premiers abords, Happy Times semble mièvre, mais en réalité, il ne tombe jamais dans le domaine du larmoyant, pourtant la présence d’une jeune fille aveugle et maltraitée aurait pu y aider, mais au contraire, cette charmante jeune comédienne joue de manière incroyable et surtout de façon crédible le personnage qui lui est confié permettant ainsi une certaine épaisseur au personnage.

Le scénario de Happy Times est presque une scène de théâtre à elle-même, mélange de contes de fée et de bouffonneries de Molière avec une introduction où le vieil homme doit épouser une dame corpulente et hypocrite, qui comble son fils à son image et délaisse la fille de son ex-mari, qui sera finalement récupéré par ce même vieil homme, qui tente de lui faire croire qu’il est un riche propriétaire d’hôtel pour obtenir les faveurs de sa bien-aimée, sans pour autant savoir qui elle est réellement.

C’est donc dans un invraisemblable bobard que le vieil homme va tenter de convaincre cette jeune fille, chaque scène de Happy Times joue bien évidemment sur le fait que cette jeune fille soit aveugle, pourtant on se rend bien vite compte, que celle-ci est parfois plus alerte des choses qui l’entourent que les biens voyants, mais elle s’accroche à cette illusion du bonheur, puisqu’elle réussit à s’extirper de chez elle et de sa belle-mère machiavélique.

Le vieil homme tente ainsi de faire croire à cette jeune fille qu’il est propriétaire d’un grand hôtel dans lequel il cherche une masseuse pour son salon, bien évidemment, tout ceci est fictif, c’est ainsi accompagné de six camarades, qu’il monte une fausse salle dans un entrepôt désaffecté et joue le rôle des clients.

Pendant que l’un d’entre eux se fait masser, les autres regardent d’en haut et s’assurent que tous se passent pour le mieux afin que cette mascarade prenne. C’est à se demander si le film n’a pas été réalisé pour nous indiquer que le cinéma n’est qu’une fiction et que la réalité est tout particulièrement difficile et surtout unique, comme nous le montre cette scène finale, où cette jeune fille aveugle erre dans une ville en totale construction, un symbole d’une Chine qui tente d’avancer à l’aveuglette et qui ne sait pas vraiment où elle se dirige, une symbolique très forte, mais également très critique.

Au final, Zhang Yimou nous livre avec Happy Times, une œuvre touchante et émouvante, mais derrière ce film se cache une satire assez forte de la société chinoise d’aujourd’hui, prise entre le capitalisme souligné par la grosse femme qui s’engraisse et la pauvreté, imagée par la jeune fille aveugle et les sept hommes qui tentent de la faire sourire, malgré leurs pauvres moyens, Happy Times est un film à voir sans aucun doute, il ne pourra que vous faire voir la vie d’une manière bien différente.