M
Critique
Titré d’un énigmatique « M« , ce film du réalisateur Fritz Lang est une pièce maitresse dans sa filmographie, mais également dans le cinéma allemand. Vu dans sa version restaurée, le réalisateur nous ramène aux racines du film noir, à l’expressionnisme allemand en suivant l’histoire de la poursuite d’un tueur d’enfants et d’une enquête pour arriver jusqu’à lui. Le réalisateur nous plonge dans une ville sombre à l’environnement instable dans lequel les enfants jouent dans la rue en chantant une chanson sur un certain « Black Bogeymen » et sur les meurtriers. Le ton est déjà annoncé. D’une pathologie paranoïaque, Hans Beckert qui chasse ses jeunes victimes pour une raison qu’il ne peut expliquer se retrouvera confronté à son propre procès, d’une justice propre à lui-même. À vrai dire, la plupart des classiques noirs du genre des années 40 doivent beaucoup à l’attention obsessive des détails, à la traque de ce meurtrier et du fatalisme dont Fritz Lang use pour présenter le chaos des procédures policières lors de ce phénomène.
Ce qui touche le plus, c’est de savoir que M de Fritz Lang est basé sur la vraie affaire d’un tueur d’enfants, Peter Kurten, le monstre de Dusseldorf, dont ses crimes de 1920 étaient encore assez frais pour résonner dans l’esprit des spectateurs de l’époque. Le film est découpé en trois parties distinctes, la première prend la voie de l’introduction, permettant de découvrir le tueur, sa victime et le paysage urbain en désolation dans laquelle le crime se déroule. Le style utilisé fait appel à l’impressionnisme, quelques plans d’un homme aveugle qui vend des ballons, une jeune fille qui attrape la main d’un étranger, une balle qui roule que la caméra suit avant que celle-ci s’arrête. Tout est laissé à l’imagination du spectateur. Dans la seconde partie, représentant la grande majorité du film, Fritz Lang présent les deux groupes opposés, mais similaires prenant part à l’histoire. D’un coté, les policiers qui doivent satisfaire l’hystérie de la population sur ce meurtrier en liberté et de l’autre coté, les criminels dont leur activité est bouleversée par l’afflux de surveillance policière à la recherche du tueur d’enfants. Typiquement pensé par le réalisateur, le film présente la police et les criminels comme étant identiques, ils sont réellement mis en parallèle l’un à l’autre dans une stratégie pour savoir comment ils vont appréhender le tueur. D’un côté, la technologie des empreintes, de l’analyse et la méthodologie sont utilisées, de l’autre, un réseau d’espion pour traquer Beckert.
La dernière partie du film fait part à la capture du tueur et à sa sentence, cette scène culte d’un tueur finalement incapable de contrôler ses envies, de ses cries intérieurs, de cette malédiction qu’il ne contrôle pas, de ces yeux de chien battu, de ses grimaces montrant sa panique, de ce portrait d’un homme fou. Pour en terminer avec M de Fritz Lang, on remarquera une utilisation innovante du son et de ce fait, la restauration du média d’origine est clairement un bonheur et on ne pourra pas s’empêcher de faire état d’une corrélation avec l’air nazi en Allemagne et de son titre d’origine, Murderers Among Us, qui cache bien une dénonciation d’un régime allemand en pleine phase d’une mode de pensée nazi grandissant.
httpv://www.youtube.com/watch?v=cIj3Bk0bhL8