L’anguille

L'anguille
Aka : The Eel/Unagi | 1997 | Japon | 117 mins | Drame | Un film de Shohei Imamura | Avec Yakusho Koji, Shimizu Misa, Baisho Mitsuko, Kawahara Sabu, Aikawa Sho, Emoto Akira et Taguchi Tomoro

Compositeur : Ikebe Shinichiro | Scénariste : Tengan Daisuke | Directeur artistique : Inagaki Hisao

Scénario : Un homme reçoit une lettre l’avertissant que sa femme le trompe. Une nuit, il la surprend en flagrant délit et la tue. 8 ans plus tard, il est remis en liberté conditionnelle et tente de redémarrer en ouvrant un salon de coiffure. Mais l’arrivée d’une autre femme va bouleverser sa vie…

Critique de L’anguille

L’anguille est une créature mystérieuse, forte et résistante notamment par sa capacité à respirer l’air, mais qui au fur et à mesure est devenue une espèce en forte régression, et même à présent une espèce protégée. L’image n’est pas si lointaine de notre personnage dépeint par le talentueux Shohei Imamura, un homme en milieu de vie, qui un jour reçoit une lettre anonyme l’avertissant que sa femme le trompe. Tel l’anguille ayant une activité fortement nocturne, une nuit, il décide de passer à l’attaque, surprenant en flagrant délit cette dernière et mettant finalement fin à son existence dans un éclat de violence inouïe. Huit années plus tard, il retrouve une liberté conditionnelle.

Tentant de refaire sa vie à l’écart de la population, en retrait de la luminosité des grandes villes, tout comme l’anguille sensible à la pollution lumineuse qu’il transporte avec lui, cet homme trouvera la rédemption par l’intermédiaire d’un représentant de Dieu, un prêtre d’un certain âge qui va le conduire dans son village natal pour lui présenter un vieil établissement de barbier. Avec de simples vêtements et son anguille qu’il a élevée dans le bassin de la prison, seul moyen pour lui d’éviter la communication avec autrui, il tente de reconstruire sa vie. Mais les gens de cette petite ville désolée, semblent se réveiller d’une stase convenue en fréquentant le nouvel établissement de Yamashita, simplement par plaisir, au fur et a mesure que le barbier semble s’ouvrir aux autres.

Sa rédemption passera également par le rachat de ses propres fautes, notamment lorsqu’il sauvera la vie de Keiko, une femme ayant tenté de se suicider après une relation désastreuse avec un homme manipulateur ayant utilisé cette dernière pour soutirer l’argent de sa propre mère. Un acte permettant à Yamashita de racheter son crime. Il a pris la vie de quelqu’un pour en sauver une autre, mais pour lui, les choses ne sont pas aussi simples. Malgré tout, quelques jours plus tard, Keiko l’assistera naturellement dans son établissement et l’arrivée d’une vie meilleure se laisse entrevoir. Leurs lourds passés les unissent mais viennent également les hanter. Pour Yamashita, c’est un éboueur local menaçant de dévoiler son passé ; pour Keiko, c’est son ancien compagnon, Dojima, qui revient à la charge, accompagné de quelques hommes de mains, d’un avocat et d’une demande d’argent.

Shohei Imamura ne cherche pas à décrire de manière directe la réalité interne de son personnage dans L’anguille. Il use d’un symbolisme étendu pour nous dévoiler les pensées de Yamashita. Son exemple le plus évident est le parallèle entre la vie de son anguille et son profond mutisme. A l’image de celle-ci vivant dans sa bassine, il est confiné dans son établissement pour mieux éviter les autres. C’est d’ailleurs avec elle que Yamashita discute le plus, comme enfermé dans un monde silencieux qu’il ne cesse de contempler. Partant d’une ouverture violente, L’Anguille est imprégné de fortes tensions. Après avoir révélé sa capacité à tuer dans une rage non contenue, Yamashita restera tout au long de sa vie, une figure volcanique qu’il tente de contenir, une personnalité au fil du rasoir qu’il utilise chaque jour et un homme solitaire à l’image du panier-repas préparée par Keiko, qu’il refuse un matin au retour de sa pêche, conclusion d’un amour qui ne verra finalement jamais le jour.

Le casting de L’anguille est en tous points une merveille, notamment par la présence de Sho Aikawa qu’on a l’habitude de voir dans des rôles de Yakuza, mais surtout par l’interprétation de Koji Yakusho, majestueuse dans son rôle. L’Anguille a permis à son réalisateur de remporter la Palme d’or au festival de Cannes en 1997, une récompense méritée pour un film aussi poignant, touchant et humain, jusqu’à même fasciner certains.

Résumé
Date de la critique
Titre du film
L'anguille de Shohei Imamura
Note
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