Perfect Tetsuo

Critique

Perfect Tetsuo, serait-il une transformation complète de l’homme imaginé par Shinya Tsukamoto sous sa forme industrielle ? Serait-il arrivé à un stade où son coté humain ne serait devenu qu’un simple élément métallique ? C’est ce que j’ai tenté d’explorer dans un ouvrage magistral intitulé Perfect Tetsuo, un objet qui devient un Saint Graal pour tous ceux qui ont déjà plongé dans les cauchemars sans fond de l’inquiétant réalisateur qui n’a plus rien à prouver de son talent. Tenter de comprendre l’univers de Mr Tsukamoto n’est déjà pas un travail évident, se torturer l’esprit pour en dénicher tout son sens, jusqu’à chercher à trouver raison à la violence qu’il nous présente, c’est un tout un effort du spectateur quoi doit être accompli pour apprendre à connaitre et s’immiscer dans les méandres de son esprit. Cependant, lorsque je me retrouve confronté à un ouvrage plus que complet et impressionnant de détails rédigé à 99% en japonais alors que ma compréhension de ce langage s’arrête à quelques termes récurrents comme « Yume » , « Daijobu« , « Gomen » ou encore un « Gambatte » plein d’énergie, je ne peux qu’imaginer ce que les images ont à me dire. Mais en y repensant, je me suis dit que l’expérience ne pouvait en être que plus étrange et palpitante, car tenter de comprendre Shinya Tsukamoto n’est-il pas moins intéressant que de ressentir Shinya Tsukamoto, de vivre ce qu’il nous montre ou capter l’essence de ses images ?

C’est ainsi que j’ai commencé mon parcours d’intrigué amateur en ouvrant délicatement l’ouvrage présenté dans une couverture d’un noir captivant en prenant soin de ne pas me perdre dans cette obscurité si attirante. En y découvrant dès les premières pages quelques illustrations me ramenant directement aux premières expériences vécues avec ce réalisateur, un sentiment de plaisir se fait ressentir. Dans des images tirées du premier Tetsuo, je retrouve rapidement l’univers un peu cinglé sur les bords de Shinya Tsukamoto accompagné à la photographie par Kei Fujiwara, une artiste accomplie et actrice dans ce premier épisode de Tetsuo mais également responsable des film Organ (1996) et ID (2005), de suréelles œuvres violentes et expérimentales. Si l’on doit rappeler pour certains d’entre vous ce que représente Tetsuo, c’est un film de 1989, réalisé, scénarisé, produit et monté par Shinya Tsukamoto accompagné de Chu Ishikawa pour la musique du film. Cette œuvre de 67 minutes dans sa forme originelle est d’un genre frictionnel et expérimental dans laquelle on y retrouve un homme qui peu à peu se transforme en un monstre de métal en fusionnant avec l’industriel, d’une tige de fer à un bout de métal qui sort de sa joue.

Mais revenons à proprement parler sur le coffret Perfect Tetsuo (KANZEN TETSUO), ultime forme d’une admiration sans précédent pour un réalisateur hors du commun. Basé sur les films Tetsuo (1989), Tetsuo : Body Hammer (1992) et Tetsuo : The Bullet Man (2009), l’ouvrage comporte un peu moins de 160 pages avec des storyboards, des photos des backstages, des éléments du tournage, des interviews avec Tomorowo Taguchi, Eric Bossic et Shinya Tsukamoto bien évidemment. Mais en plus de cela, on y retrouve le manga Tetsuo, dessiné par Shinya Tsukamoto, 20 ans auparavant. Une exclusivité absolue.

A travers, des éléments tout simplement uniques, on découvre ou redécouvre l’univers de Tsukamoto avec sa trilogie Tetsuo. Entre : une lettre à Mr Renji Ishibashi, des storyboards en pagaille, des scripts finalisés, les backstages des films Tetsuo, des impressions sur les premières diffusions internationales, le Premiere Metal Night & Roadshow Eve, les premières critiques des films, des interviews de Taguchi Tomorowo et Shinya Tsukamoto, les explications sur les effets spéciaux et tout l’attirail utilisé pour les différents films, le manga Tetsuo, une partie consacrée à la One Stop Animation utilisé dans Tetsuo, les nuits à Tokyo avec Tomorowo et Tsukamoto, un chapitre sur « L’avant Tetsuo » et un second sur « L’après Tetsuo » et finalement Tetsuo aux Etats-Unis ; c’est tellement hallucinant de renseignements qu’il en devient presque honteux de ne pas savoir lire le japonais.

Mais en plus de nous offrir un ouvrage plus que complet, le coffret nous offre également un DVD, intitulé Tetsuo : The First Cut, nous proposant une version longue de 77 minutes du premier film Tetsuo, qui en comportait seulement 67. C’est donc 10 minutes de métrage supplémentaire et inédit que l’on nous propose. Un réel trésor du réalisateur que personne n’a vu. C’est donc la première fois qu’une telle édition nous est dévoilée. Autant dire que les fans de la première heure du réalisateur ne pourront que se ravir d’avoir l’occasion de voir la version première, imaginée par Mr. Tsukamoto. A savoir que le DVD ne contient pas de sous-titre anglais, mais qu’importe me direz vous, Tetsuo n’est pas un film à dialogues mais bel et bien un film fait d’images et de son, une œuvre qui joue avec notre perception visuelle et sensorielle.  Voir cette version qui nous plonge dans la vision d’origine du réalisateur est tout simplement sensationnel.

Si je devais tenter de résumer ce que l’on peut ressentir en lisant ou devrais-je dire, en admirant les images qui défilent sous nos yeux de cet ouvrage, c’est l’impression de vivre à nouveau cette terrifiante histoire que l’on nous montre dans la trilogie Tetsuo, un inquiétant ouvrage qui arbore désormais sur mon étagère, la fierté du cinéma japonais et impose son respect dans sa plastique plus que réussie. Autrement dit, c’est devenu pour moi, un véritable objet de collection.

Pour ceux qui désirent se procurer un exemplaire de cet objet hors du commun, la tâche sera rude. En effet, on peut trouver actuellement celui-ci uniquement au Japon ou aux Etats-Unis/Canada par l’intermédiaire de Amazon.JP ou chez Fujisan.

httpv://www.youtube.com/watch?v=fJci0aAUwgU